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jeudi 2 octobre 2014

Premier Forum du Réseau francophone de l'innovation, à Namur

J'ai été convié à participer au premier Forum du Réseau francophone de l'innovation la semaine dernière, à Namur. J'intervenais à titre de "discutant" dans l'atelier sectoriel du Numérique et de l'économie du savoir, l'un des quatre thèmes transversaux recoupant les divers aspects de l'innovation. Les trois autres thématiques dites transversales sont l'Agro-alimentaire, les Technologies et l'économie vertes, et les Industries culturelles et l'économie de la culture.

Nguyen Thi Ngoc Lan, Pierre Ouedraogo, Yves Miezan,
Jean-Michel Cornu et Florent Youzan
Pierre Ouedraogo, directeur de la Francophonie numérique à l'OIF*, présidait cet atelier qui était animé par Yves Miezan, de la  Fondation africaine des logiciels libres. Y participait également, Louise Bertrand de l'IFADEM** avec qui le GTA*** a développé son récent cours en ligne ouvert et massif (CLOM) portant sur les ressources éducatives libres (REL).

C'est Jean-Michel Cornu, de Forum InnovAfrica, qui a lancé les discussions en citant cinq études de cas qu'il a présentées comme autant d'histoires d'innovations africaines basées sur les technologies. InnovAfrica agit véritablement comme un pionnier en ce domaine, utilisant le libre et l'entrepreneuriat pour aider les acteurs locaux à "monter en compétences" pour reprendre le vocabulaire de Jean-Michel.

Florent Youzan, Nom inconnu, Louise Bertrand,
Denis Cocconcelli, Michelle Mongo
Ce témoignage a bien mis la table pour accueillir Henry Nyakarundi, un jeune innovateur qui a raconté son idée d'entreprise et comment il la bâtit, un prêt et une amélioration (innovante) à la fois. Pour l'instant, j'aimerais revenir sur quelques-uns des points que j'ai touchés lors de mon intervention:
  1. Le numérique se prête particulièrement bien à l'innovation, par son maillage dans tous les aspects de nos interactions quotidiennes avec l'environnement, comme on l'envisage au premier plan. Mais le numérique se prête aussi à l'innovation par la nature même du média. J'en voulais comme exemple le concept de programmation orientée objets qui a été popularisé vers la fin des années 90 et qui demeure aujourd'hui l'un des fondements de la programmation. Dans ce modèle, chaque fonction encodée séparément devient une unité autonome éventuellement incluse dans un ensemble supérieur de fonctions qui ensemble fondent à leur tour une nouvelle entité cohérente pouvant être utilisée dans un autre contexte. Les développeurs travaillent donc avec des librairies d'objets et c'est ce même concept qui a donné naissance aux objets d'apprentissage que nous connaissons maintenant sous l'appellation de REL. Les REL, comme tout le domaine du libre dans le numérique, sont elles-mêmes à la base d'une révolution dans l'apprentissage, révolution qui procède bien sûr de l'innovation!
  2. Le libre et l'innovation permettent à leur tour l'émergence de nouveaux modèles d'affaires. J'en donnais des exemples bien connus pour les participants à REL 2014, ainsi que d'autres comme la technologie perturbatrice qu'est la voiture électrique (non pas pour le libre, mais bien par l'innovation fondamentale qu'elle représente dans une industrie omniprésente de l'activité humaine), un fabuleux potentiel de bouleversement de l'économie mondiale.
  3. Un bémol quant à la nature de l' "innovation". Le mot évoque immanquablement les technologies, comme les nouvelles plateformes mobiles et les applications associées à des appareils destinés à faire mieux et plus rapidement sans intervention humaine ou au service de l'humain. Le mot évoque aussi les nouveaux secteurs industriels comme la nanotechnologie, la génétique, les biotechnologies et tant d'autres. Pourtant, l'innovation c'est aussi la capacité de poser un regard neuf sur l'environnement quotidien et d'imaginer de nouvelles façons de faire les choses. J'en donnais comme exemple la belle histoire du Réseau des cafétérias entrepreneuriales (que je ne reproduis pas ici, mais que je vous invite à consulter).
  4. J'ai aussi questionné l'éléphant dans la pièce et les dinosaures dans la salle. L'éléphant à mes yeux était l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui participait au Forum avec le statut de partenaire privilégié. Ituku Elangy Botoy en présentait d'ailleurs la composante registre de brevets du projet Ardi. Je qualifie cette présence et ces initiatives d' "éléphant" parce que nous étions nombreux à être étonnés d'entendre présenter la propriété intellectuelle sous son volet des interdits, des barrières, des protections, voire même de la déception**** sans pour autant questionner cet état de faits alors que pour l'innovation justement, particulièrement dans le domaine du numérique, c'est le modèle du libre qui émerge et permet une nouvelle économie. J'ai pour ma part mis l'accent sur le fait que libre ne va pas à l'encontre de la propriété intellectuelle, au contraire, mais qu'il convient d'en comprendre les fondements (en particulier le fait que d'apposer une licence ouverte ou libre protège toujours la propriété intellectuelle, en indiquant les droits d'utilisation plutôt qu'en laissant planer une couverture d'interdits) pour que les pays du Sud ne se contentent pas de reproduire les modèles périmés du Nord (comme ces registres à accès protégés), mais qu'ils prennent plutôt la balle au bond et partent de pratiques novatrices comme justement le libre. Le lecteur aura bien sûr compris que les dinosaures dans la salle étaient tous ceux qui souscrivent encore à ce vieux modèle de propriété intellectuelle sans comprendre combien la main-mise des groupes d'intérêts bien financés est néfaste pour le reste de la société. Bref, le syndrome sociétaire dénoncé dans le slogan Nous sommes les 99%*****. Somme toute, cet équilibre nécessaire entre la propriété intellectuelle et le libre est bien traduit, au point 9 de l'Appel de Namur.
  5. En guise de conclusion, j'ai suggéré que le plus grand potentiel d'innovation réside sans doute chez les jeunes, pour leur perspective audacieuse et anti-conformiste, et chez les femmes, en raison de leurs préoccupations alternatives et complémentaires. J'ai aussi suggéré qu'il était important de favoriser les nouveaux modèles d'affaires que permettent le mariage du numérique et du libre, et de participer aux communautés innovatrices. J'ai mis un accent particulier sur le potentiel des nouveaux modèles pédagogiques que permettent les technologies, particulièrement la pédagogie inversée dans les CLOM (en écho à Louise Bertrand), et la redistribution des ressources enseignantes qui devient un corollaire possible du CLOM lorsqu'on le sert "wrapped". Enfin, j'ai fait une mise en garde à l'encontre du miroir aux alouettes que peuvent être les technologies lorsqu'elles sont discutées entre individus bien nantis alors que la fracture numérique, loin de se résorber, tend à s'agrandir.
__________________
* Organisation internationale de la Francophonie
** Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres
*** Groupe des technologies de l'apprentissage (Université de Moncton)
**** En matière de stratégie militaire: Mesures visant à induire l'ennemi en erreur, grâce à des truquages, des déformations de la réalité, ou des falsifications, en vue de l'inciter à réagir d'une manière préjudiciable à ses propres intérêts.
***** Voir aussi le dossier La Presse des Indignés et sa réféfence Wikipédia

lundi 31 mars 2014

Marcel Brun sur la "Flipped Classroom"

Je me suis un peu fait violence pour écouter cette vidéo jusqu'au bout. Eh bien oui, pour qui travaille dans les technologies de l'apprentissage depuis au-delà de 12 années, sans vouloir jouer au finaud, il n'y a rien là de très nouveau ni révélateur. Mais il faut parfois chercher à écouter de manière différente et à dégager un point de vue au départ des bribes qui nous parlent, et c'est ce que j'ai essayé de faire pour cette activité #CLOM-REL_5M1A2.

La pédagogie inversée se résume donc à inciter l'apprenant, par le biais d'activités diverses, engageantes et interactives, à consulter lui-même et en avance de la leçon le matériel qui sera discuté avec l'enseignant et les autres élèves durant la période de cours. J'ai toujours cru farouchement à cette idée et j'adhère à sa version réseautée dans Internet, le connectivisme, alors bravo: que l'enseignant utilise au mieux le temps qui lui est imparti pour engager les élèves, répondre à leurs questions, cheminer avec eux, etc.

Vidéo sur Khan Academy - FR
Géométrie, Cercles
Qui plus est, Marcel Brun apporte plusieurs points intéressants, comme l'idée de varier l'approche (progresser vers la pédagogie inversée et utiliser diverses méthodes de livraison plutôt que, par exemple, de toujours demander de regarder des vidéos, puis de faire des exercices avant la rencontre en classe). Autre bon point, la valeur limitée du logiciel de présentation genre PowerPoint si l'enseignant est pour livrer tout le contenu plutôt que de faire appel à la découverte guidée et à d'autres méthodes plus engageantes.

Je me suis par ailleurs souvenu, à regarder cette vidéo, d'une rencontre avec une enseignante de l'École Odyssée, ici à Moncton en février 2013 à l'occasion d'un atelier sur les REL organisé par l'OIF. Cette dernière, passionnée et novatrice, nous expliquait comment elle utilisait la vidéo pour faire de la pédagogie inversée. Ce qui m'avait davantage marqué dans son explication était l'idée d'enregistrer une seule et excellente prestation, bien organisée, bien livrée plutôt que de s'astreindre à répéter la même chose pour trois classes en une journée, sachant très bien que la qualité de la livraison diminue à mesure qu'avance la journée, que s'épivarde l'attention des élèves et que se multiplient les distractions. Donc réduire la répétition et le gaspille d'énergie pour s'employer à utiliser son temps de manière efficace. Un argument solide toujours aussi valable.

Mais terminons avec une objection à laquelle s'attaque avec raison M. Brun, et c'est l'idée que bien sûr voilà donc une excellente théorie, mais qu'en pratique les élèves et étudiants ne demandent pas mieux que de venir s'assoir pour se "faire remplir" le crâne et qu'ils ne finissent jamais justement par prendre le temps de faire les démarches et exercices prescrits pour qu'ait lieu l'échange espéré et le co-apprentissage. Comment rompre ce cycle? M. Brun raconte l'histoire d'un enseignant précurseur qui justement pratiquait sa conviction en n'enseignant qu'en réaction à ce que les élèves lui apportaient de la matière. Donc une entente tacite avec eux, lorsqu'ils comprennent qu'effectivement, la méthode n'est pas didactique de bas en haut, mais bel et bien dynamique de pairs à pairs. Pour justement
Arrêter de transmettre, tout est transmis!